Solitude, quand tu nous tiens

Une semaine ici, et pas une seule connaissance.Dur.Habituel.
Dans un soupir ressemblant presque à un sanglot, la jeune femme se laissa choir sur le fauteuil de velour rouge, le seul à lui offrir un acceuil chaleureux. Dans la cheminée, le feu crépitait déjà, mais ma parole, déjà nuit noire ? C'était certain.Zaz ne dormirait pas. Elle ouvrit une fenêtre non loin après s'être levée du fauteuil, et s'assit precautionieusement sur le rebord, surplombant ainsi le vide de toute sa hauteur. Elle souffla une seconde dans ses mains.Il faisait froid faut dire. Elle grilla une cigarette et resta bêtement là, la clope en bouche, observant toutes ces menues étoiles venant à peine d'apparaître.




La nuit sera longue...

Mya arriva dans la salle commune. Pourquoi était-elle là ? Une question qui restera surement sans réponse... Elle même n'en avait aucune idée. Elle vivait à l'instinc. Elle aperçut une jeune femme appuyée à la rembarde de la fenêtre. Elle regardait les étoiles. Elle s'approcha.

C'est beau n'est-ce pas...

La jeune femme se retourna et Mya se présenta.

Bonjour je suis Mya Natsuko. Vous avez l'air bien seule...

Surprise, Zaz manqua d'abors de passer par dessus la rambarde. Elle se raccrocha de justesse au rebord et se rassit confortablement. Son visage, loin d'être froid, dévoilait tout de même une mélancolie bien vivante. Elle fixa encore les étoiles quelques seconde.

"Les étoiles sont les larmes de Dieu qui pleure le sang du monde."

Elle se retourna vivement, laissant ses cheveux blonds voler et claquer contre la pierre des murs. Elle tira subitement sur sa cigarette, comme si ce manque lui était insoutenable.Elle inspira la fumée comme si sa vie en dépendait, de l'air avide d'un prédateur. Elle fermit les yeux et recracha toute cette fumée délicatement, avec volupté, pour mieux sentir ce plaisir.

"J'crois pas en Dieu, pourtant."

Elle baissa la tête et fixa la nouvelle venue, plongeant ses yeux dans les siens, cherchant le doute ou la faille, fouillant son âme comme une lame polie par les ages. Un fin sourire se dessina enfin sur les lèvres de la demoiselle. C'était un rituel animal. Il fallait s'arreter devant l'étranger, le jauger avec méfiance, dans la crainte d'une attaque soudaine. Quand le danger était écarté, on acceptait de dialoguer. Zaz venait d'accepter.

"'Jour ! Zaz Ekitashi, enchantée demoiselle !"

"les étoiles sont les larmes de dieu qui pleure le sang du monde" Très poétique... Mais si un quelconque Dieu pleure pourquoi ne fait-il rien ? C'était sa philosophie : aucun dieu n'existait pour la simple raison que s'il y en avait un il ne laisserai pas un monde dans cet état. Ou sinon ce ne serait pas un Dieu mais un Diable. Mais pour elle les étoiles étaient tout autre chose. C'était les yeux de son coeur. Ou plutôt les yeux de ceux qui habitaient son coeur. Elle observa Zaz. Etrange cette fille... Elle n'avait pas un comportement habituel. Elle devait avoir une manière de penser bien à elle. Soit. Elle verrait bien si elles s'entendraient.

Enchantée. Qu'est-ce qui vous amène dans ce lieu si vide si ce n'est pas trop indiscret ?

"peut être l'attrait de la solitude ? Elle doit correspondre à mon état d'esprit actuel..."

Rien de bien terrible après tout. Zaz avait pour habitude d'errer seule quand le coeur pleurait. Elle chantonna sa chanson favorite par petites bribes, en souriant gentiment à la nouvelle venue. Elle tira une nouvelle fois sur sa cigarette, et ajouta d'un air des plus amusés.

"Si tu me tutoie pas j'te mord..."

Elle éclata d'un grand rire, consciente que sa bétise n'était pas si drôle que ça, qu'importe.

"Mais le monde, c'est les hommes,
Les pays, les bons dieux,
Et les perles qui tombent,
Et qui vous montent aux yeux.
A saint Petersbourg,
On a perdu la guerre
Pas celle des canons
Mais celle des idées..."

Jolie chanson, après tout, un brin mélancolique, mais jolie quand même.

Elle s'apprêtait à se retirer en l'entendant dire qu'elle recherchait la solitude mais son sourire l'en dissuada. Elle voula se faire tutoyer ? Et bien tant mieux ça l'arrangeait. Elle n'aiamit pas vouvoyer les gens... D'ailleurs elle ne savait pas pourquoi elle l'avait fait... C'était peut être du à l'étrange aura que la jeune femme semblait dégager... Elle sourit. Plus histoire de ne pas se sentir en reste devant la demoiselle qui riait que par véritable envie. Elle chantonnait. Une chanson triste. Mélancolique. On pouvait dire que Zaz n'avait pas un air vraiment joyeux. Mais le moment n'était peut être pas aux rires...

Tu n'es pas là depuis longtemps il me semble... En tout cas je ne t'ai jamais vu... Qu'est-ce qui amène une demoiselle aussi mélancolique dans ce pensionnat ? Ou plutôt comment se fait-il que cette demoiselle semble aussi triste ? Enfin si ce n'est pas trop indiscret... Cela ne me regarde surement pas mais j'ai un grand défaut nommé curiosité...

"Peut-être à cause de tout ceux que j'ai perdu, de tout ce que je n'ai pas eu, et de tout ce que je n'aurai jamais."

Pas très compréhensible. C'était ainsi après tout, elle était triste, sans vraiment savoir, sans vraiment connaître son mal. Elle écrasa sa cigarette d'un air éteint, et regarda un instant la fumée s'élever, comme une dernière victoire, avant de mourir à hauteur de son visage

"Et toi ? que fais-tu là ? Quel est ton élément ?"

Cette fille était étrange... Elle parlait toujours en énigme. Cela ne gênait pas Mya mais confirmait son impression que cette demoiselle n'était pas comme les autres.

Mon histoire n'a rien de vraiment particulier... Je suis ici parce qu'il me fallait un pensionnat et que celui-là m'aiderai pour mon élément... Je maîtrise l'eau. Ou plutôt j'essaye. Et toi ? Quel élément contrôles-tu ?

Elle regarda la fumée qui s'échappait de la cigarette de Zaz. Pas bon ces choses-là... Mais à quoi cela servirait de le dire ? La jeune femme le savait sûrement. Les étoiles brillaient toujours dans le ciel nocturne. Mya ne dormait pas souvent ces-temps ci... Elle allait finir par se transformer en chouette si ça continuait. Mais c'était le seul moment où le brouhaha du pensionnat se calmait. Et Mya recherchait le calme...

"Je sais, la clope c'est mauvais..."

Elle éclata d'un grand rire sonore devant les yeux ahuris de la jeune demoiselle.

"Non non je ne lis pas dans les pensées, j'ai juste un pouvoir d'empathie relativement constitué !"

Elle s'assit confortablement sur le fauteuil rouge.Décidément, elle l'aimait bien, avec ces air impériaux.Un fauteuil de roi,ça lui plaisait. Elle caressa distraitement le velour vermeil, et dit d'une voix soudain lointaine.

"Le feu..."

Mya dévisageait Zaz, un air étonné peint sur sa figure. On lui avait souvent dit que ses émotions transparaissaient facilement mais quand même...Cette fille ne cesserait donc jamais de l'étonner ? Elle avait des airs de reine ainsi installée dans son fauteuil. Elle affichait un air désinvolte assez exceptionnel. C'était sûrement ça qui lui donnait cette allure étrange... Donc ainsi elle contrôlait le feu...

Et ça te plait comme élément ?

Pourquoi avait-elle posé cette question ? C'était stupide on ne choisissait pas son élément... Parfois le silence vaut mieux que des paroles inutiles... Mais bon elle l'avait dit elle l'avait dit c'était ainsi ! Elle repris sa contemplation du ciel comme si elle n'avait rien dit. On était pas obligé de répondre à des questions aussi niaises.

Elle sourit, devinant la gène de cette demoiselle.Elle l'invita à s'assoir sur le fauteuil en face.

"Tu paye pas plus cher, en t'asseyant !"

Elle grilla une nouvelle cigarette.Mya n'avait pas tord, décidément, elle fumait trop.

"Le feu ? Bel élément, propre et sauvage, indomptable et charmeur. Mais très, très compliqué. Et toi ?"

Mya s'assit tranquilement sur le grand fauteuil moelleux.

L'eau à ses charmes aussi... C'est la source de toute vie et la maîtriser est un art que je suis loin d'atteindre... Mais j'aime l'eau et je me sens bien près d'elle. C'est étrange mais pourtant c'est la stricte vérité...

Elle recroquevilla ses jambes contre elle et les entoura de ses bras. Une position qu'elle aimait bien d'autant plus qu'il faisait un peu froid.

"L'eau ? répondit-elle en éclatant de rire. J'en ai une trouille bleue ! Sauf dans une piscine..."

Elle sourit, et fixa l'étrange position de la jeune fille. La brise passait entre les fenêtres mal isolées.

*Elle a froid...*

D'un geste simple, elle balaya le poignet en direction de la cheminée. Une flamme brisa la noirceur de la pièce, et un feu tranquile commença à ronronner.

"C'est mieux non ?"

"I've seen your flag on the marble arch
Love is not a victory march
It's a cold and it's a broken halleluya"

Chantonna-t-elle les yeux à nouveau perdus dans le vide.

Mya la remercia d'un sourire sans pour autant changer de position. Elle était bien comme ça.

L'eau n'a pas le même pouvoir destructeur que le feu. C'est un élément calme. Mais cela n'empêche que l'eau éteint le feu. C'est une force cachée...

La demoiselle chantonnait. Elle ne semblait plus la voir, elle ne regardait plus rien. A quoi pouvait-elle bien penser ? Peut être quelque chose de triste... pas sur...

"Et les ouragans ? Et les tempêtes en mer ? Je connais bien tout ça, même si je crains l'eau, j'aime les bateaux, j'aime les longs voyages sur l'océan, j'aime ces moments d'éternités, alors, tu penses, j'en ai essuyé, des tempêtes en tout genre !"

Ele soupira, repensant aux instants magiques perchée sur le mat, accrochée aux bouts, surplombant le monde pendant quelques secondes.Les mouettes venaient s'emmeler dans ses cheveux, et leur cris résonnaient jusqu'à l'aube.

Elle sourit.

Il est vrai que l'océan défend bien ses droits. C'est le prix à payer pour pouvoir naviguer dessus. Mais as-tu déjà vu un bateau naviguer sur du feu ? Le feu brûle, ses flammes dansent, se jouant de ses ennemis... Peu de choses arrêtent le feu. L'eau fait partie de ces rares choses. Et c'est là une de ses plus grandes qualités.

Le regard de Mya se perdit dans le vide. Elle rentrait dans une ronde de pensées dont il était dur de la sortir.

"Pas faux."

Deuxième cigarette prête à s'éteindre. Avec un léger soupir déçue, Zaz l'écrasa dans la paume de sa main, avant de la jeter dans un poubelle.Ce petit plaisir ne durait jamais très longtemps, et ses dégats étaient énormes. Deux poumons contre dix minutes de calme, prix dur à payer. Les yeux de la jeune fille retombèrent sur Mya, la fixant quelques instants. Plutot gentille, plutôt aimable, quelqu'un de bien.

Une cigarette. Encore une. Cela ne faisait pas longtemps qu'elle était en sa compagnie et la demoiselle avait déjà bruler pas mal de cigarettes. Trop. Elle espérait que ce ne soit qu'une exception, qu'elle ne passait pas sa journée comme ça. Elle semblait être une fille bien, une fille qui ne mérite pas de gacher sa vie en la rétrécissant à coup de clope. Mais que pouvait-elle y faire ? Ca ne sert à rien de le dire, à part à stresser encore plus les gens. Et quand on stresse, on fume. Un cercle vicieux. Elle préféra penser à autre chose. Instinctivement elle tourna la tête vers le ciel, source de toutes ses pensées. Elle pensa aux gens qu'elle aimait, comme à chaque fois devant un ciel étoilé. Puis de pensée en pensée, elle songea à Kinako.

C'est une endroit bien ce pensionnat... Les gens sont sympas...

"Bof, Les gens sont simpas, puis un jour ils te planteront un poignard dans le dos."

Elle avait laché tout cela sans vraiment s'en rendre compte, d'un coup sec, une phrase tranchante...Pourtant, elle n'en pensait pas moins.

"je ne me fie à personne. Si je suis de bonne humeur, je peux paraître aimable, si je ne le suis pas, je détache chaque mot de ma pensée. Pas terrible, les gens n'aiment pas ça, et on peur de devenir comme moi."

Les mots résonèrent dans sa tête. "ils te planteront un poignard dans le dos"... Cela sonnait comme une vérité indéniable. Mais elle n'y croyait pas. Elle ne voulait pas y croire. Seule, elle n'était rien. La vie est un poids qui est plus facile de porter à plusieurs.

Pas toujours... Quand on a confiance en personne on finit par se refermer sur soi-même... Enfin peut être pas pour tout le monde mais pour moi ce serai comme ça. Il faut peut être pas donner sa confiance trop vite mais ne jamais la donner n'est pas forcément une bonne chose. On ne meurt pas toujours un poignard planté dans le dos... Et pouvoir se reposer sur quelqu'un est important. Après chacun son point de vue...

Zaz semblait bien seule décidément. Mais elle avait l'air de rechercher la solitude. Si elle n'accordait sa confiance à personne, comment les autres pourraient lui faire confiance ?

"j'ai peur, je pense, c'est même indéniable.La trouille d'aimer pour encore me faire avoir, la peur de voir le paradis une seconde pour vivre 1 an d'enfer juste après, c'est arrivé trop souvent..."

Elle soupira, ce n'était pas faux. toute son enfance à été bercé par la même personne, jusqu'a ce qu'il s'en aille.

"Au début, on pleure, après on crie, puis on finit par se relever, et hair le monde...'

On t'a piégé, c'est un fait. Tu t'es relevée et tu haies le monde. Mais le monde ne t'as rien fait. La haine engendre souvent la vengeance ou bien pire... Ils t'ont détruite. Tu t'es battue, tu te bas encore. Mais ne te trompe pas de cible. Tu te bas pour ta survie, tu te bas contre ceux qui t'ont fait souffrir, tu ne te bas pas contre ce monde. Il y a encore des gens qui en valle la peine. Tu dois faire attention à qui tu fais confiance mais tu dois pouvoir faire confiance.

Elle regarda un moment Zaz. Elle n'aurait peut être pas du dire tout ça. Elle ne savait pas ce que la jeune femme avait vécu mais elle n'était pas de taille à lui donner des conseils. Elle regrettait amèrement ses paroles.

Oublie ce que j'ai dit. Je ne sais même pas de quoi je parle...

"peut-être que si..."

Dit elle simplement.Et elle se tut.Elle regarda encore les flammes vaciller dans l'âtre avant de fermer les yeux. Tout cela, elle le savait, elle était devenu pierre, la Zaz.Elle sourait sans sourire, se montrait joyeuse sans l'être, ah, douce utopie que de retrouver la sensation d'être et de vivre !

Mya ne répondit rien. Elle ne regardait même plus Zaz. Elle fixait ses orteils, pensive. Il était tard mais elle savait que rentrer dans sa chambre ne servirait à rien. Elle ne s'endormirait pas de si tôt alors autant passer ce temps en compagnie de Zaz. La grosse horloge de la salle commune produisait un tic tac régulier, comme pour marquer le temps dans le silence qui s'était installé. Et Mya continuait à fixer ses orteils. Pas très intéressant pourtant, ses orteils. Mais elle avait la tête ailleur. L'obscurité commençait à gagner les lieux et les flammes courageuses du feu ne suffisaient pas à éclairer la salle. Elle pensa un instant à se lever et à éclairer la lumière mais elle ne le fit pas. Peut être par flemmardise, peut être pas. Elle n'avait pas envie de bouger voilà tout.

"je crois que c'est un des meilleurs endroit du coin, non ?"

Dit elle alors pour rompre ce silence oppressant.

"Mais parle moi de toi, plutôt, je ne sais rien, rien du tout ! Qui es tu ? D'ou viens tu ?"

Trop de questions, mais Zaz était d'une grande curiosité, et puis elle était au calme. La pièce ressemblait même à sa chambre, le vermeil et le noir se mélangeant, c'était si joli !